lundi 27 février 2012

Âme d'artiste 1925

Helen Taylor: Mabel Poulton
Un film de Germaine Dulac avec Mabel Poulton, Nicolas Koline, Ivan Petrovitch, Gina Manès et Yvette Andréyor

Helen Taylor (M. Poulton) est devenue une star des planches londoniennes. Le poète et dramaturge Herbert Campbell (I. Petrovitch) est follement épris d'elle. Il en oublie son épouse (Y. Andréyor)...

Ce film de Germaine Dulac est censé se dérouler à Londres. Mais, il est évident que de nombreux extérieurs du film ont été réalisés sur les bords de Seine, plutôt que sur les rives de la Tamise. Cette production du consortium Westi (Franco-allemand) a une distribution internationale avec dans le rôle principale, la jeune première britannique du moment, Mabel Poulton. Le serbe Ivan Petrovich (qui a tourné avec Léonce Perret et Rex Ingram) est aussi de la partie avec Nicolas Koline, un comédien russe bien connu du public français de l'époque. Ce film précède de peu une autre production Westi qui sera également tournée aux studios de Billancourt, le Napoléon d'Abel Gance. On retrouvera d'ailleurs un certain nombre de techniciens (l'opérateur Jules Kruger) et des acteurs (Gina Manès et Nicolas Koline) au générique du film de Gance. Le scénario est sans grande surprise avec une actrice qui tombe amoureuse d'un dramaturge déjà marié, suscitant la jalousie de son richissime mécène , Lord Stamford (Henry Houry). Mais, la mise en scène  est suffisamment élégante pour faire oublier la minceur de l'intrigue. Et, il faut aussi noter l'excellence de l'interprétation, avec en tête, la fraîche et vive Mabel Poulton en jeune ingénue prise au piège entre un amoureux transi et un vieux Lord libidineux. Yvette Andréyor, qui fut la vedette de nombreux films Gaumont des années 10, est ici une femme trompée qui doit subir les sarcasmes de sa mère acariâtre. Nicolas Koline est toujours un délicieux comédien, plein de fantaisie. Seul Ivan Petrovitch, fidèle à sa réputation, reste impavide en poète transi. Gina Manès joue avec talent une actrice jalouse du succès de Mabel Poulton. On remarque aussi Charles Vanel, qui fait une courte apparition en tant qu'acteur avec Mabel dans la première scène du film. Nous assistons à une scène de mélodrame stéréotypée avec un mari violent qui bat sa femme, avant que la caméra ne recule révélant les spectateurs de la pièce de théâtre qui se déroule devant nos yeux. Le film utilise les surimpressions et autres images déformées avec intelligence pour illustrer l'intrigue plutôt que pour faire simplement de l'esbrouffe. Pour la petite histoire, Abel Gance avait songé à Mabel Poulton pour le rôle de Violine Fleuri dans Napoléon, avant finalement de découvrir Annabella.

lundi 20 février 2012

Stand-In 1937

Monsieur Dodd part pour Hollywood
Un film de Tay Garnett avec Leslie Howard, Joan Blondell, Humphrey Bogart et Jack Carson

Atterbury Dodd (L. Howard) est envoyé par sa banque de New York pour réaliser un audit sur les comptes de Colossal Studios à Hollywood. Le comptable Dodd est totalement perdu dans le monde fou du cinéma. Il trouve une aide en la personne de Lester Plum (J. Blondell), une ancienne enfant-star qui en est maintenant réduite à servir de doublure-lumière à la star inepte de Colossal Studios...

Cette délicieuse comédie met en valeur les qualités comiques de Leslie Howard qui est ici un petit comptable obsédé par les chiffres qui ignore tout du monde délirant du cinéma. Le film joue sur l'inadéquation de cet innocent qui ignore tout de la vie et du cinéma. Le film en profite pour brosser un portrait fort amusant de la vie des studios. Le réalisateur russe Koslovski (joué par Alan Mowbray) insiste pour avoir de vraies edelweiss pour une scène en studio. Le producteur Quintain (un jeune Humphrey Bogart) est lui porté sur la bouteille et semble plus intéressé par les charmes de la star maison et les courts de tennis que par son travail. La star-maison Thelma Cheri (Marla Shelton) est une actrice totalement incapable qui n'a réussi que grâce à son ondulation des hanches (dixit Quintain). Le très vulgaire Tom Potts (Jack Carson) est lui en charge de publicité. Quant au financier Nassau (C. Henry Gordon), il passe son temps à écouter le résultat des courses de chevaux. Mais, ce dernier a un dessein bien plus noir: il souhaite racheter le studio à vil prix en ayant sciemment poussé à la production une ineptie intitulée, Sex and Satan. Au milieu de petit monde ridicule, il y a la très sensée Lester Plum, dite 'Sugar Plum' (jouée brillamment par Joan Blondell) qui tente de survivre en tant que 'stand-in' (doublure-lumière). C'est elle qui va ouvrir les yeux de Dodd sur les pratiques parfois douteuses du studio. Il part habiter dans sa pension où se croisent des acteurs faméliques qui tentent désespéremment d'obtenir des rôles. Dodd est sidéré d'apprendre que Sugar Plum en tant qu'enfant-star gagnait 4000 dollars par semaine alors que maintenant elle ne survit qu'avec un maigre 40 dollars. Il est également totalement étourdi par le nombre incroyable de réécritures que peut subir un scénario. Le duo Blondell-Howard se révèle parfaitement réussi. Mais, c'est Leslie Howard qui est vraiment la star du film avec son jeu décalé et son humour. Une excellente comédie sur le Hollywood d'antant.

samedi 18 février 2012

The Aryan 1916

Pour sauver sa race
Un film de William S. Hart avec William S. Hart, Bessie Love, Gertrude Claire et Louise Glaum

Steve Denton (Wm S. Hart), un chercheur d'or, s'est fait dépouiller de tout son or par la perfide Trixie (L. Glaume) dans un saloon mal famé. Ayant perdu toute foi en la race humaine, il est devenu le chef d'une bande de bandits mexicains et indiens. Une caravane de fermiers arrivent à proximité de leur village. Ils sont sans eau et demandent de l'aide...

Ce film de William S. Hart est devenu légendaire car il fut considéré comme perdu pendant plus de 80 ans. Il ne restait qu'un minuscule fragment de 3 minutes à la Librarie du Congrès. Mais, heureusement, une copie de 30 min a réapparu à Buenos Aires. Le film ayant une durée originale de 50 min, il reste encore incomplet. Mais, on peut au moins avoir une idée assez claire de la qualité de ce film dont Louis Delluc faisait la louange. Ce film a été produit par la société Triangle, sous la supervision de Thomas H. Ince. William S. Hart y joue un de ses personnages les plus noirs. Au début du film, il est un chercheur d'or naïf qui est une proie facile pour un escroc. Le patron d'un saloon le repère immédiatement et envoie la perfide Trixie (Louise Glaum) pour l'enjôler et le faire jouer à la roulette, qui est bien sûre truquée. Comme si ce n'était pas assez de le dépouiller, elle lui ment effrontément en lui cachant le contenu d'un télégramme annonçant la mort de sa mère (Gertrude Claire). Se réveillant le lendemain sans un sou vaillant, Denton comprend sa sottise et découvre que sa mère est morte avant qu'il ait pu la revoir. Il se précipite chez Trixie. Il tue son amant qui l'attaquait et emmène Trixie avec lui. Nous le retrouvons quelques années plus tard, près la frontière mexicaine. Il est le chef d'une bande de pillards sans foi ni loi, et Trixie, devenue une épave humaine, est son esclave. Et voici qu'arrive une caravane de pauvres fermiers qui partent vers l'ouest. Dans ce désert aride, ils se retrouvent sans eau et viennent demander de l'aide à Denton. Il la leur refuse. Mais, parmi les fermiers, il y a la douce et innocente Mary Jane (Bessie Love alors âgée de 18 ans) qui décide d'aller voir elle-même Denton pour le supplier. La confrontation ne pourrait pas être plus inégale: la fragile, mais confiante Mary Jane face au féroce Denton. Elle ne se démonte pas même lorsqu'il la menace de la livrer à ses hommes. Elle reste persuadée qu'un 'homme blanc' comme lui ne peut pas livrer des femmes blanches à ses hommes d'une autre race (mexicains et indiens). Si le film est typique des préjugés raciaux de l'époque, il offre en tous cas l'occasion d'une confrontation très intéressante entre Bessie Love, l'image même de la pureté de l'innocente, et un William S. Hart grondant et féroce. Dans ses mémoires, Bessie Love raconte le tournage de la scène de la confrontation. Elle était littéralement terrorisée par Hart dès qu'il se mettait dans le personnage de Denton et au lieu de jouer, elle se réfugiait sous la table. Elle mentionne aussi un fait très intéressant: tous les dialogues mentionnés sur les cartons d'intertitres (rédigés par le génial C. Gardner Sullivan) devait être dit au mot près lors du tournage, même si ceux-ci allaient être coupés au montage. En effet, il était de coutume de couper la scène au moment où un acteur ouvrait la bouche pour introduire le carton, puis on revenait sur l'acteur au moment où il fermait la bouche. Cette insistance dans la fidélité au dialogue peut paraître ridicule. Mais, Hart voulait certainement que tous les acteurs soient parfaitement en situation dans la peau de leurs personnages. Le dialogue faisait partie de cette sincérité. Evidemment, sur la copie qui nous reste, les intertitres de Sullivan ont disparus au profit d'une adaptation en espagnol sans saveur. Hart travaillait avec le génial opérateur Joseph August. Il est également difficile d'apprécier le travail de cet opérateur sur la copie horriblement rayée et abîmée qui nous reste. Néanmoins, malgré les lacunes dans le récit, on comprend que ce film ait eu un tel impact à l'époque. Certes, l'intrigue reprend tous les schémas habituels de Hart: la mauvaise femme, la femme rédemptrice, la mère et la rédemption finale du héros. Mais, la confrontation entre Marie Jane et Denton est plus complexe que dans nombres d'autres films de Hart. Hélas, une partie de leurs scènes est toujours manquante. Nous ne voyons pas le retournement final de Denton. Mais, nous le voyons dire adieu à Mary Jane alors qu'il s'en va seul à la fin. Il embrasse doucement la manche de la petite Mary et la remercie de l'avoir remis dans le droit chemin. Avec une intrigue sommaire, Hart arrive toujours à produire un film sans concession et parfaitement structuré. Pour l'anecdote, Bessie Love mentionne que John Gilbert était figurant-cascadeur dans le film où il jouait pas moins de trois rôles différents. Je ne l'ai pas reconnu. Mais, on peut le voir clairement dans Hell's Hinges (Le vengeur, 1916), un chef d'oeuvre signé Hart, cette même année.

mercredi 15 février 2012

It 1927

Copie Milestone
Un film de Clarence Badger avec Clara Bow, Antonio Moreno et William Austin

Betty Lou (C. Bow) est vendeuse dans un grand magasin. Elle voudrait bien attirer l'attention du patron, Cyrus Waltham Jr (A. Moreno) pour sortir de son milieu...

Copie Kino Video
Cette comédie signée Clarence Badger est typiquement un véhicule pour la flamboyante Clara Bow qui était la star numéro 1 de la Paramount à l'époque. Le scénario est signé Elinor Glyn, une romancière à succès (et à l'eau de rose) qui est l'auteur de ce concept (fumeux) qu'est le 'It'. Il y a ceux qui en ont et ceux qui n'en ont pas. On pourrait résumer cela au sex-appeal. Le film prédate tous les publicités cachées que l'on trouve dans les films modernes : Elinor Glyn apparaît en personne au début du film pour expliquer son 'concept'. Malheureusement, le scénario se révèle bien léger. Tout le film repose sur les épaules charmantes de Clara Bow en jeune vendeuse qui voudrait monter dans l'échelle sociale. Elle vit dans un quartier populaire de New York avec son ami Molly et son bébé. La très maligne Betty va totalement emballer son patron, joué par un Antonio Moreno bien fade. Parmi les personnages secondaires, on remarque William Austin qui joue son rôle de gandin efféminé et un Gary Cooper tout jeune dans un rôle minuscule de journaliste. Le rêve d'ascension sociale d'une vendeuse est un sujet très exploité à l'époque. Gloria Swanson est aussi vendeuse dans Manhandled (1924, A. Dwan); Mary Pickford aussi dans My Best Girl (1927, S. Taylor) et Virginia Valli est l'est également dans le peu connu The Price of Pleasure (1925, Edward Sloman). Le film de Badger gagne à être vu dans la très belle copie proposée par le DVD Image Entertainment/Milestone Collection. Non seulement, la qualité de la copie est largement supérieure à la copie fort laide proposée par Kino Video, mais, en plus, on a droit au superbe accompagnement jazzy de Carl Davis au lieu d'un piano peu imaginatif. Un film pour les amateurs de Clara Bow.

mardi 14 février 2012

Wings 1927

Les Ailes
Un film de William A. Wellman avec Charles Buddy Rogers, Richard Arlen et Clara Bow

Hier, j'ai découvert le nouveau DVD Paramount de Wings. Je connaissais déjà le film sous différentes versions. En 2007, TCM US avait diffusé une version N&B assez laide (et en plus avec une image recadrée et légèrement écrasée) avec la partition pour orgue de Gaylord Carter. L'effet avait été soporifique. Heureusement, j'ai pu ensuite découvrir le film avec la version Photoplay teintée accompagnée par la partition orchestrale étincelante de Carl Davis. Quelle différence ! J'avais été émue et émerveillée là où j'avais ressenti un ennui poli. J'ai donc hier regardé - et écouté- avec intérêt la version Paramount qui est équipée de la partition originale (reconstituée) de J.S. Zamecnik.
Vieux master N&B recadré
Copie Photoplay teintée 1993
Copie teintée DVD Paramount 2012

Tout d'abord, l'image est réellement superbe. Mais, si je la compare avec la version Photoplay, on voit que les éléments que possédait la Paramount étaient de grande qualité. Ils ont pu stabiliser l'image et enlever les quelques scories qui restaient. Il y a une légère différence dans le teintage (numérique probablement). Ensuite, je me suis concentrée sur la partition. Et là, il y a beaucoup à dire. Je vais essayer de décrire les différentes interprétations de quelques scènes cruciales.

L'adieu de David  à ses parents:
Dans cette scène, nous voyons David (Richard Arlen) dire adieu à ses parents (Julia Swayne Gordon et Henry B. Walthall) alors qu'il s'apprête à partir pour la guerre. C'est une scène intime et poignante. Dans le DVD Paramount, Zamecnik illustre la scène en utilisant une mélodie de Tchaikovsky, Nur wer die Sehnsucht kennt. C'est une pratique tout à fait normale à l'époque d'utiliser des morceaux de musique classique ou des chansons populaires pour illustrer un film. Mais, Zamecnik ne modifie pas vraiment la mélodie pour lui donner des variations suivant le moment et les sentiments exprimés dans cette scène. Il réitère constamment le motif principal de Tchaikovsky et réalise plus une illustration sonore qu'un véritable accompagnement. Cela a pour effet d'étirer la scène et de la rendre sentimentale. Dans la version Photoplay, Carl Davis prend un tout autre parti. Il joue sur la sobriété. Avec un motif lent et retenu, il suggère la peine et l'angoisse retenue de David qui fait tout pour dissimuler le chagrin qui l'étreint. La musique fait des pauses, ici et là, et suit le cheminement émotionnel de David. Evidemment, l'effet est fort différent. Nous sommes en empathie parfaite avec David et ressentons la boule dans la gorge qu'il ressent.

La bataille dans les airs contre le bombardier Gotha:
Le choix fait par Paramount pour leur DVD est de bruiter systématiquement tout ce qui se passe à l'écran. Nous avons donc droit à des tirs de mitrailleuses, bruits d'hélices, tirs de mortiers, explosions, crash d'avions et de voitures, etc. Le volume sonore de ces différents bruitages a tendance à noyer la musique dans les scènes de bataille. Je dois avouer que cette surenchère dans le bruitage est quelque peu contre-productive. On se retrouve au milieu d'un film muet sonorisé et on s'attend à voir les acteurs parler... Certes, les bruitages étaient utilisés à la fin des années 20 avec l'arrivée du système Vitaphone (et autres). Mais, ici, Paramount a fait un choix délibéré de bruiter totalement chaque image au point de la saturation. Ils avaient peut être peur d'avoir un film (trop) muet ? Pour ce qui est de la musique, le choix de Zamecnik est d'utiliser (jusqu'à plus soif) le motif principal de l'ouverture du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn. La mélodie réapparait dans le film lors de chaque bataille aérienne. Ce leitmotiv n'est à priori pas une mauvaise idée; mais, à nouveau, il n'y a aucun travail pour créer des variations du motif principal. Et plus grave, le déroulement de la bataille n'est pas soulignée. Il n'y a pas vraiment de point culminant musicalement. La bataille est surtout soulignée par les bruitages de mitrailleuse et de crash au sol. Dans la partition de Carl Davis, il n'y a pas de bruitage. Mais, il réussit à suggérer les tirs de mitrailleuse avec les percussions et les cuivres. Il dose le niveau de 'bruitage musical' en fonction de ce qui se passe à l'écran, soulignant les moments importants. Là où dans le DVD Paramount, nous avons un banal bruit d'hélice et d'avion au décolage, Davis crée un motif musical insistant et rythmé qui rappel le mouvement d'une hélice et suggère -dès le tout début du film- la passion inextingible de Jack (Charles Buddy Rogers) pour les avions. Le motif prend une forme presque suspendue qui nous fait ressentir ce sentiment d'apesanteur et de bonheur d'un pilote dans les airs. Mais, il n'oublie pas d'y ajouter un sentiment d'attente et d'angoisse. Tout cela se trouve dans la musique avec les différentes instruments qui sont utilisés suivant leur couleur. L'accompagnement n'est jamais lourd, même lors de la bataille finale. Davis ne semble pas vouloir surcharger les scènes déjà violentes. Mais, il sait guider notre regard vers la partie importante d'une scène. Je pense particulièrement à la mort de ce soldat assis, adossé à un poteau, qui fume une cigarette. Dans le DVD Paramount, nous avons une débauche d'effets sonores: avions, mortiers, etc et il nous faut quelques instants pour réaliser que l'homme a été touché par un éclat d'obus et qu'il est mort. Avec Carl Davis, il se concentre sur cet événement, soulignant le léger sursaut de l'homme touché par l'obus et sa mort subite.

La mort de David :
Jack a abattu l'avion allemand que pilotait David et celui-ci va mourir. Zamecnik illustre la scène du combat avec une musique triomphante qui continue jusqu'au moment où David découvre l'identité du pilote. Alors, la musique devient plus sombre. Mais, dès que David a fermé les yeux, la musique reprend son ton guilleret alors que nous voyons Jack prendre dans ses bras le corps inanimé de David. C'est clairement un contresens total. cette scène était également bien mal accompagnée par Gaylord Carter dans mon souvenir. La mort de David ne m'avait pas plus touché que cela. Davis prend un parti totalement opposé. Déjà pendant la bataille qui oppose Jack à David, il n'y a aucun motif triomphant, mais une atmosphère d'appréhension. Nous vivons les derniers instants de David en l'air avec lui. Si il y a un très bref exposé du motif triomphant lors que Jack se pose et court vers l'avion pour en ôter sa croix de fer, il n'est que très court. La mort de David avec Jack à son chevet est un moment poignant, mais pas du tout sentimental avec Davis. Il y a une chaleur et une tendresse retenues dans son accompagnement qui sont tout à fait remarquables. 

Au total, vous l'aurez compris, la partition de Carl Davis est absolument remarquable par ses couleurs, son dynamisme et sa compréhension profonde des personnages et des événements. Malheureusement, cette petite merveille reste indisponible au grand public, à moins d'une diffusion hypothétique à la TV. Le DVD Paramount est une pure merveille visuelle, mais musicalement, il reste bien en deça de ce qu'il pourrait être. La partition de Davis décuple émotionnellement le film lorsque celle de Zamecnik ne fait qu'une illustration sonore bien terne.

mardi 7 février 2012

La Parade est passée... de Kevin Brownlow (IV)

Une interview de l'auteur a été publiée dans le supplément CinéTéléObs du Nouvel Observateur du 2 février 2012, à propos de la parution de La Parade est passée...

dimanche 5 février 2012

In Name Only 1939

L'Autre
Un film de John Cromwell avec avec Carole Lombard, Cary Grant, Kay Francis et Charles Coburn

Alec Walker (C. Grant) fait la connaissance d'une jeune artiste Julie Eden (C. Lombard). Il voudrait l'épouser, mais il est déjà marié avec la très calculatrice Maida (K. Francis) qui lui refuse le divorce...

Ce mélo reprend les situations habituelles que l'on s'attend à trouver dans un mélodrame bien troussé. Mais, à ceci près que c'est l'homme qui est ici la victime du destin plus que la femme. Il a épousé une femme qui n'en voulait qu'à son argent et il est dans une situation inextricable face à la douce Julie qu'il souhaite épouser. Il est intéressant de voir comment le réalisateur Cromwell traite ce renversement des genres: homme victime contre femmes fortes. Et bien le résultat est tout à fait réussi. Cary Grant est ici un homme désespéré qui n'arrive plus à reprendre goût à la vie. Il a découvert peu de temps après son mariage que Maida ne l'a épousé que par intérêt et recherche d'une position sociale. Ils vivent comme des étrangers tandis que celle-ci trompe son monde (en particulier ses beaux-parents) en leur faisant croire que tout va bien entre eux. Alec refait surface lorsqu'il rencontre Julie, une jeune veuve avec une petite fille. Il pense pouvoir refaire sa vie. Mais, c'est sans compter sur la machiavélique Maida qui a tout combiné pour l'en empêcher. La prestation de Cary est parfaitement jugée en homme faible et honnête, sans défense face à sa garce d'épouse. Kay Francis, dont la carrière marquait le pas à l'époque, est une Maida froide et calculatrice. Face à elle, j'ai été une fois de plus séduite par la prestation de Carole Lombard. Elle est à la fois forte et fragile, avec un naturel confondant. Si on ajoute que la cinématographie est de toute beauté sur ce DVD Warner Archive, je ne peux que recommander chaudement ce très beau mélo qui ravira les amateurs de Carole Lombard et de Cary Grant.

What Price Hollywood? 1932

Un film de George Cukor avec Constance Bennett, Lowell Sherman, Neil Hamilton et Gregory Ratoff

Mary Evans (C. Bennett), une jeune serveuse, devient une star de cinéma grâce au réalisateur Max Carey (L. Sherman). Mais ce dernier sombre dans l'alcool...

En 1932, David O. Selznick est producteur à la RKO. C'est lui qui a l'idée de monter un film pour montrer l'envers du décor hollywoodien. L'histoire originale d'Adela Rogers St. John, qui sert de base au scénario, est inspirée de la vie de Colleen Moore qui fut lancée par le producteur John McCormick, dont elle devint plus tard l'épouse. La carrière de celui-ci fut détruite par son alcoolisme. Mais, au fil des réécritures du scénario qui va passer entre les mains de plusieurs scénaristes, d'autres personnages célèbres vont servir de modèle tel Marshall Neilan, un réalisateur très talentueux du muet qui fut lui aussi détruit par l'alcool. Au final, le scénario nous offre une vision, par moment un peu édulcorée, de la trajectoire d'une jeune femme ambitieuse qui va réussir à devenir une star à force de persévérance. Le producteur joué par Gregory Ratoff est un bon bougre paternaliste qui massacre l'anglais. Constance Bennett joue finalement un rôle qui lui ressemble. En 1932, elle est au sommet de sa popularité et elle gagne un salaire mirobolant. Elle va épouser un marquis, ancien mari de Gloria Swanson avant de se désintéresser du cinéma, contrairement à sa soeur Joan qui continuera à y travailler jusqu'au bout. Elle épouse dans le film un fils à papa, joué par Neil Hamilton, un beau clin d'oeil. Mais, c'est finalement le personnage du réalisateur Max Carey joué par le comédien et réalisateur Lowell Sherman qui retient l'attention. Hanté par ses démons, il perdra pied à Hollywood, noyant son désespoir dans l'alcool. Puis, il se suicidera. C'est d'ailleurs cette séquence du suicide qui retient l'attention. Selznick avait embauché le monteur Slavko Vorkapich pour réaliser cette séquence avec Cukor. Avec une succession de surimpressions, il revoit son passé et ce qu'il est maintenant. Le montage se fait plus frénétique alors qu'il sort un révolver pour mettre fin à ses jours. Cette séquence superbement orchestrée fait regretter que le reste du film ne soit pas plus au niveau de celle-ci. Les rapports entre Max et Mary sont filiaux et ne sont jamais ambigus. De même que le producteur bonasse paraît quand même bien trop sympathique. J'avais vu ce film il y a plusieurs années, mais je ne m'en souvenais guère. Cette revision m'a par certains côtés bien déçu. Nous sommes loin des visions nettement plus corrosives telles que Bombshell (1933, V. Fleming) ou de Stand-In (1937, T. Garnett) qui sont pourtant des comédies. Ce n'est guère étonnant que Selznick ait voulu revenir sur le sujet une deuxième fois en 1937 avec A Star is Born (1937, W.A. Wellman) qui est nettement meilleur et où les personnages ont plus d'étoffe. Ce film de Cukor est cependant digne d'intérêt.

mercredi 1 février 2012

They Knew What They Wanted 1940

Un film de Garson Kanin avec Charles Laughton, Carole Lombard, William Gargan et Harry Carey

Tony Patucci (C. Laughton) croise une jolie serveuse, Amy Peters (C. Lombard) dans un restaurant de San Francisco. Il décide de la demander en mariage après avoir envoyé la photo de son ami Joe (W. Gargan) à la place de la sienne...

En 1940, le vétéran Erich Pommer est sous contrat à la RKO pour produire plusieurs films. Il choisit de faire une nouvelle adaptation de la pièce de Sidney Howard avec une distribution de grand luxe qui va réunir Carole Lombard et Charles Laughton. Les deux acteurs sont dans des rôles à contre-emploi. La brillante comédienne des meilleures screwball américaines joue ici une petite serveuse qui rêve d'une vie meilleure. Et ce grand cabot de Laughton revêt une perruque noire bouclée et prend un accent italien pour jouer ce viticulteur italo-américain qui parle un anglais sommaire. Durant le tournage, le malheureux metteur en scène, Garson Kanin, va en voir des vertes et des pas mûres avec un Laughton en plein doute existentiel qui le mène en bourrique. Pour travailler son accent, il écoute du Rossini et du Vivaldi (!) Puis, il demande constamment à être emmené dans un petit verger, situé à plusieurs dizaines de kilomètres du tournage, pour pouvoir 'se concentrer' sur son personnage. Laughton est totalement écoeuré par la facilité de sa partenaire Carole Lombard qui rentre naturellement dans son personnage sans aucun chichi. Cette nouvelle adaptation de la pièce d'Howard a subi de nombreuses modifications, censure oblige ! Le film est cependant bien plus noir que la version précédente, A Lady to Love. Là, Amy se laisse séduire par Joe, mais le regrette immédiatement. Elle n'a pas encore épousé Tony, ce qui évite l'adultère condamné par le Production Code.  Et elle rejette Joe immédiatement après leur aventure d'une nuit. Mais, elle se retrouve enceinte et décide d'avoir cet enfant toute seule avant de, peut-être, revenir vers Tony qui lui ouvre les bras malgré cela. Ce mélo finalement assez noir est dominé par une Carole Lombard qui prouve qu'elle était aussi une excellente actrice dramatique. Quant à Laughton, il cabotine à tout va, comme le faisait Robinson dans A Lady To Love. Vers la fin, il montre un peu plus de retenu et parvient à être émouvant. Dans les seconds rôles, on reconnaît Harry Carey, la star des westerns muets de John Ford, avec son accent de cow-boy et également un tout jeune Karl Malden, éméché, qui tente d'embrasser Carole Lombard. Dans ces années-là, le scénariste Garson Kanin travaille comme metteur en scène à la RKO où il va faire plusieurs films de belle qualité comme A Man to Remember (1938), restauré en 2006, et The Great Man Votes (1939) avec John Barrymore que je rêve de découvrir. En tout cas, They Knew What They Wanted est un film étonnant dans la carrière de deux grands acteurs.

A Lady To Love 1930

Un film de Victor Sjöström avec Edward G. Robinson, Vilma Banky et Robert Ames

Tony Patucci (E.G. Robinson) est viticulteur dans la Napa Valley en Californie. En visite à San Francisco, il remarque une jeune serveuse, Lena (V. Banky) et en tombe amoureux. Il lui envoie une lettre pour lui proposer de l'épouser. Mais, au lieu de joindre sa photo, se trouvant trop vieux et trop laid, il met celle de son ami Buck (R. Ames). Lena accepte et arrive à Napa...

E.G. Robinson, R. Ames et V. Banky
En 1925, Sidney Howard, un dramaturge réputé de Broadway, avait écrit une pièce à succès They Knew What They Wanted qui reçut le prix Pulitzer. Dès 1928, le cinéma s'en empare avec une première adaptation muette de Rowland V. Lee, The Secret Hour, avec Pola Negri et Jean Hersholt. En 1930, Victor Sjöström réalise son premier film parlant à Hollywood avec A Lady To Love. Il repartira pour l'Europe immédiatement après. On sent que le grand Victor se désintéresse de ce cinéma parlant où les contraintes imposées par l'ingénieur du son doivent être écrasantes. Même si le montage est parfois assez bancal, la direction d'acteurs montre que Sjöström connait bien son métier. La pièce de Howard s'intéresse à un homme d'âge mûr qui cherche à se marier avec une femme bien plus jeune que lui. Il lui offre cependant une vie confortable dans sa maison de la Napa Valley comparée à celle qu'elle avait dans un petit restaurant populaire de San Francisco. Mais, Tony a trop peur de lui déplaire et préfère utiliser la photo de son ami Buck pour attirer la belle. Le choc est brutal lorsqu'elle arrive et qu'elle découvre que son futur époux n'est pas tout jeune et ne ressemble guère à la photo. Lena est furieuse contre Buck qui s'est prêté à cette masquarade, croit-elle. Mais, elle va néanmoins épouser Tony, bien que celui-ci soit immobilisé par une double fracture des jambes. Le soir-même de ses noces, Lena succombe au charme de Buck. Tony réalisera son infortune, mais lui demandera quand même de rester. Dans ce rôle fort en gueule, Edward G. Robinson utilise un accent italien à couper au couteau, et qui n'est pas très convaincant (pas plus que dans Tiger Shark !). Mais, Edward fait un numéro de cabotinage suffisamment carabiné pour qu'on s'intéresse à lui. Il remplit l'écran de sa forte présence, même s'il est couché durant une bonne partie du film. Face à lui, on pourrait craindre que la blonde hongroise Vilma Banky ne fasse pas le poids. En fait, pas du tout, elle réussit l'exploit de lui tenir tête et montre qu'elle n'avait pas grand chose à craindre du cinéma parlant. Vilma Banky avait été importée à Hollywood par Samuel Goldwyn en 1925 pour être la partenaire de Ronald Colman. Elle fut aussi la partenaire de Rudolph Valentino dans deux films, dont l'excellent The Eagle (L'Aigle noir, 1925). Dès sa première scène, on voit que sa voix grave et posée passe superbement au micro. Son accent, loin d'être rédhibitoire, lui donne un charme équivalent à celui de Garbo. Evitant toute emphase théâtrale, elle donne la réplique du tac au tac à un Robinson déchaîné auquel elle fait une toilette décapante dans son lit. Le film profite de ces années où la censure est légère pour nous montrer l'attraction entre Lena et Buck, bien que celle-ci soit mariée. Le ton du film reste assez léger et se termine par une réconciliation entre les deux époux mal assortis. Ce film est une vraie curiosité dans la carrière de Sjöström et de Robinson.